La moitié de la semaine, je suis la mère de famille débordée et dévouée de deux enfants. L'autre moitié, je suis une amoureuse éperdue. Mais en fait, je gère très mal les transitions.
Les passages de l'un à l'autre sont douloureux, déstabilisants, difficiles à négocier.
Avec les enfants, toutes la partie "Autorité" m'épuise. Les enfants cherchent les limites des parents, toute la journée, c'est comme un examen permanent. Je le supporte très mal. Avant, ça me paraissait
simple d'avoir des enfants, mais vécu au quotidien, face aux enfants qui se battent, refusent de ranger, de s'habiller, et trainent alors qu'on est déjà en retard pour l'école, c'est la crise régulière. Je
parlemente, je parlemente et tout à coup j'explose. Et je ne supporte pas ça. C'est une situation d'échec et je ne suis plus moi quand je suis hors de moi. Et celle-là qui crie, je la déteste.
Quand je passe de l'amoureuse à la mère de famille, je rêve de faire mille choses avec elles, lire des
livres, faire la cuisine, le jardin, du bricolage, du collage, des jeux de sociétés, discuter, et encore
plein d'autres choses. Finalement, je rentre avec elles, et là, il faut laver du linge, le plier, le ranger, faire le goûter, anticiper le repas, gérer les bêtises des chats qui m'insupportent, ouvrir le courrier, payer les factures, prendre des rendez-vous chez le médecin, aller chez le vétérinaire, commander du fioul, arroser le jardin, laver la vaisselle qui traine, allumer le feu, donner le bain.
Pendant que je tente de gérer tout ça en même temps, et que rien n'avance (un peu comme au boulot
d'ailleurs) les enfants commencent les bêtises, entament la dispersion systématique des jouets dans chacun des 137m2, se battent pour utiliser les mêmes au même moment, se balancent des baffes, passent de 90 à 140 db, courent dans tous les coins pour finir en hurlant et en pleur.
A ce moment, je commence largement à douter de moi, de mes capacités à gérer les enfants de "manière civilisée", socialement correcte, à envisager le type d'extermination à choisir pour me débarrasser des deux chats qui miaulent sans s'arrêter. Quelle idée d'avoir pris deux chats en plus de deux enfants ???
La première réponse qui me vient à l'esprit : "Pour faire plaisir aux enfants". Est-ce une raison valable?
En 45 minutes en général, quelque soit le moral de départ, à ce moment-là j'ai une seule envie : dormir et que tout ça s'arrête. C'est un très mauvais signe cette envie là.
Quand je passe de la mère pressée à l'amoureuse, c'est encore pire. Après m'être énervée pendant 3 à 4 jours contre les enfants (je culpabilise tellement des mauvais moments que j'en oublie les bons), je les quitte pour 3 à 4 jours. Je ne les vois plus, elles grandissent sans moi, sans que je puisse sentir leurs baisers, sans que je puisse poser les miens sur leurs joues douces, sans calin, sans "maman, je t'aime".
Et même si ça me soulage de retrouver la sérénité, d'arrêter d'être une mère exigeante et hurlante,
énervée, de redevenir un être social interagissant normalement dans son groupe social, elles me manquent et ça me rend malade d'être loin d'elles.
Si les gens connaissaient leurs collègues, voisins, et relations en famille restreinte, ils seraient certainement fort étonnés. Moi ça me choque d'avoir l'impression de changer de personnalité avec mes enfants, alors que les autres n'évoquent jamais rien de tel pour eux. Tout se passe comme si à l'intérieur des foyers, quand la porte se referme, la vie continue calmement et de manière sympathique comme dans les sitcoms américains.
Seulement, voilà, bien sûr, en tant que mère "sachant qu'il ne faut pas tenter d'être parfaite mais qui ne fait que ça quand même....", j'ai choisi des modes éducatifs qui pèsent un peu. Je me refuse à donner des fessés ou des gifles : je sais que ça règle pas mal de situations de crise pourtant. J'ai choisi aussi de ne pas laisser la tv à la maison, alors que je sais qu'on se décharge facilement 1 heure en postant les enfants devant. J'ai choisi de donner tous les jours une alimentation saine et équilibrée, alors, j'épluche des légumes bio aux formes aléatoires au lieu d'enfourner un hachis parmentier Surgelé Fincard. Des choix qui coûtent, mais sur lesquels je ne reviens pas.
Finalement, je vis mal les transitions de l'amoureuse à la mère pressée, et un peu aussi les autres jours où il me manque toujours une partie de moi pendant que l'autre devient à moitié dingue. Il me manque mes enfants ou bien il me manque mon amour. On me conseille de prendre du temps pour moi, mais moi, je m'en fous de moi, j'ai déjà bien du mal à me supporter !